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L'oeil du Cyclone
24 avril 2007

Pourquoi le football anglais ne domine pas l'Europe

Oui, l'Angleterre a réussi à glisser trois clubs en quarts de finale de la Ligue des Champions mais cela ne signifie pas pour autant que la Premier League est le meilleur championnat d'Europe et donc du monde ! Démonstration en 5 actes.

Une présence conjoncturelle

Retrouver 3 clubs anglais à ce stade de la compétition est le résultat d'un concours de circonstances. Les clubs anglais ont eu un maximum de réussite pour en arriver là où ils sont aujourd'hui : Liverpool a été dominé par Barcelone lors de leurs deux confrontations et doit sa qualification à la seule bourde de l'année de Victor Valdés et en quarts, les Reds ont joué la plus mauvaise équipe, le PSV Eindhoven qui en bonus était privé de son meilleur joueur (le défenseur brésilien Alex), encore en lice. Chelsea a lutté pour venir à bout du redoutable FC Porto et de ses vedettes internationales avant d'être complètement dominés pendant 3 mi-temps par Valence avant de réussir à mettre le pied sur le ballon avec l'aide de l'arbitre. Enfin, Manchester a utilisé des moyens plus que limites pour éliminer le Losc et a été à deux doigts de subir une humiliation semblable à celle infligée aux Romains lors du match aller au Stadio Olimpico : les coéquipiers de Totti n'ont juste pas eu la chance de connaître un état de grâce à celui des Mancuniens à Manchester.
Le contexte était également favorable aux Anglais car la scène Européenne était sinistrée : en Italie, la Juventus est en série B, l'Inter souffre du manque de concurrence et la Roma est inexpérimentée à ce niveau. En France, Lyon connaît la période la plus noire de son histoire récente et Lille est une équipe encore un peu tendre. En Espagne, le Barça venait tout juste de récupérer des joueurs irremplaçables comme Eto'o et Messi, le Real Madrid traverse une crise identitaire grave et le FC Séville ne jouait que la Coupe UEFA. En Allemagne, le Bayern ne réalise pas sa meilleure saison, le leader Schalke 04 était engagé en UEFA et le Werder Brême était dans la poule de la mort avec Barcelone et Chelsea.
Les équipes des autres pays n'étaient donc pas au sommet de leur forme et n'étaient même pas les meilleures équipes de leur championnat. Malgré tout, les clubs anglais ont dû compter sur la chance pour s'imposer : la seule équipe qui n'ait pas eu de réussite, Arsenal, s'étant fait sortir sans gloire par Eindhoven.

Boudewijn_Zenden_face_au_PSV_Eindhoven_de_Jason_Culina   Chelsea_et_Ashley_Cole_luttent_contre_le_FC_Porto_de_Lisandro_Lopez   Arsenal_chute_face_au_PSV_Eindhoven   Cristiano_Ronaldo_et_Manchester_United___deux_doigts_de_chuter_face_au_Lille_de_Kader_Keita

Un championnat hétérogène

Si les clubs anglais sont là, c'est en grande partie grâce à la chance mais pas seulement : Liverpool, Chelsea et Manchester United ont l'expérience de cette compétition car ils la jouent tous les ans ? Pourquoi ? Parce que le niveau d'ensemble est tellement faible qu'ils n'éprouvent aucune difficulté à se qualifier chaque année ! Le reste du championnat étant constitué d'équipes avec des joueurs chauves et décérébrés. Sheffield United ou Watford, véritables viviers de bourrins, se prendraient à coup sûr des raclées face à Châteauroux ou Amiens car ce sont des équipes extrêmement limitées.
Pour preuve, il n'y a plus aucune équipe anglaise engagée en Coupe UEFA. Le dernier représentant Tottenham s'est fait logiquement sortir par une équipe de Séville qui n'a pas eu à forcer son talent alors que les Spurs étaient là par miracle : ils n'avaient pas eu à disputer de 16ème de finale car Feyenoord avait été exclu de la compétition suite au mauvais comportement de ses supporters à Nancy ! Au contraire, l'Espagne arrive à placer 3 clubs en demies alors que l'Espanyol Barcelone et Osasuna sont loin d'être des ténors de la Liga.

Gavin_Mahon_de_Watford   Ben_Thatcher_le_boucher_de_Charlton   Ledley_King_et_Tottenham_d_pass_s_par_le_FC_S_ville_de_Daniel_Alves   La_technique_en_mouvement_de_Phil_Jagielka_de_Sheffield_United

Des défenses inexistantes

Quand je pense aux défenses anglaises, j'ai toujours le souvenir de ce but de 70m de Thierry Henry face à Tottenham en 2002 : l'Anaconda avait pu parcourir le terrain sans être gêné par un seul défenseur ! Bel exemple d'organisation tactique. Quand Messi marque un but de 50m avec Barcelone, il doit quand même éliminer 5 défenseurs.
En plus d'organisations techniques défaillantes, les équipes anglaises se caractérisent par des défenseurs d'un niveau plus que douteux. Par exemple, Bolton est sixième du championnat avec une défense composée de Diagne Faye et de Meïté dont Marseille et Lens ne voulaient plus à juste titre. Ils n'ont aucun sens du placement ? Pas grave : ils courent vite et sont costauds... Pas mal de joueurs qui n'avaient pas ou plus le niveau pour contenir les redoutables attaquants de la Ligue 1 ont trouvé refuge en Premier League où ils ont été adulés : Christanval, N'Gotty, Goma, Cygan, Chimbonda, Talal El-Karkouri, Djimmy Traoré, Mickaël Silvestre, Amdy Faye... en attendant Bernard Mendy et Zubar ?
Pour couronner le tout, les attaquants du championnat, après avoir lutté avec des défenseurs un peu rustres, doivent affronter de redoutables gardiens... Quand on sait que les buts de Manchester sont gardés par le tout jeune Edwin Van der Sar, tout est dit... A part Petr Cech, aucun gardien ne peut prétendre au niveau international et cela explique bien entendu le nombre important de buts inscrits. Avec tous ces éléments, on comprend mieux pourquoi Thierry Henry marque beaucoup plus en Premier League qu'en Ligue des Champions ou qu'en équipe de France.

Ce_bon_vieux_Talal_El_Karkouri   David_Calamity_James_se_troue   Philippe_Christanval_cherche_le_ballon   Paul_Robinson_vient_d_encaisser_un_nouveau_but

Une absence totale de créativité

Historiquement, l'Angleterre n'est pas une terre de créatifs, plutôt de besogneux et de rationnels. Si l'on compare, au hasard, avec l'Espagne : combien de Blake et Bacon pour des Zurbaran, Goya, Vélazquez, Ribera, Picasso, Miro ou Dali ? Comme en peinture, les artistes sont rares en Angleterre : on peut juste compter sur Joe Cole, Ryan Giggs et Cristiano Ronaldo mais ces trois joueurs on trop tendance à garder la balle et à partir en dribble tête baissée. Steven Gerrard ? Il a une grosse frappe, fait de bonnes passes et a une excellente vision du jeu mais niveau dribble et créativité, il est proche d'un M'Bami... Wayne Rooney ? Ce mec a autant de finesse qu'un touriste anglais dans un bar. Frank Lampard ? Un jeu unidimensionnel : je récupère la balle et je frappe de loin. Certains artistes étrangers sont bien venus il y a quelques années égayer ce championnat et ce type de joueurs est tellement rare que Bergkamp, Ginola, Cantona ou même Okocha sont devenus des légendes de l'autre côté de la Manche. Là-bas, même Robert Pires ou Steed Malbranque sont considérés comme des génies créatifs !
On est loin de la tradition d'accueil des magiciens du ballon rond qu'a su entretenir l'Espagne depuis 50 ans. Tout commence dans les années 50-60 avec le grand Real Madrid qui a remporté les 5 premières éditions de la Coupe d'Europe des clubs champions : c'était le temps des Puskas, Di Stefano, Kopa, Rial et autres Gento. Au même moment, le Barça avait aussi une belle équipe emmenée par son capitaine Luis Suarez et son trio hongrois (Kubala, Kocsis et Czibor). On peut aussi préciser que si le régime franquiste n'avait pas empêché la signature de Di Stefano à Barcelone, les Blaugrana auraient sans doute dominé l'Europe. Ensuite, l'Espagne a pu profiter des exploits de la Néerlandaise Touch avec Cruyff et Neeskens à Barcelone. Dans les années 80, le Real Madrid et "la Quinta del Buitre" vont dominer l'Espagne de la movida en développant un football offensif et raffraîchissant, à l'image de Madrid qui revit après des années de dictature et est alors la capitale européenne de la culture et du beau jeu : Butragueño, Michel, Hugo Sanchez ou Martin Vazquez font souffler un air de Malasaña sur Bernabeu. Dans le même temps, des joueurs de la trempe de Maradona, Schuster ou Paulo Futre tripotent le cuir dans les stades de la Coupe du Monde 1982. Au début des années 90, Barcelone la chanceuse accueillera deux Dream Teams : celle de Jordan et compagnie et celle dirigée par Johan Cruyff. Sur le terrain, se succèderont Michael Laudrup, Hagi, Stoïckhov, Romario, Amor, Bakero, Begiristain, Salinas ou Guardiola... Bref que des Bernard Mendy en puissance... Dans le même temps, le football basque produira quelques diamants bruts comme Guerrero, De Pedro, Mendieta ou Etxeberria. Et comment oublier l'immense Redondo au Real Madrid. Au cours des années 2000, l'Espagne confortera son statut de terre d'accueil des plus beaux joueurs de football : Ronaldinho, Zidane, Figo, Deco, Aimar, Riquelme, Mostovoï, Karpine, Eto'o, Djalminha, Daniel Alves, Nihat... Et côté joueurs locaux, ce n'est pas mal non plus : Xavi, Valeron, Xabi Alonso, Vicente, Iniesta, Luis Enrique, David Villa, Fernando Torres, Raul Tamudo, Diego Tristan, Munitis, Joaquin, Victor, Cani... Et l'avenir est déjà assuré quand on pense aux futures stars de demain : Messi, Agüero, Matias Fernandez, Raul Garcia, Javier Martinez et l'inévitable David Silva.

Puskas__Di_Stefano_et_Kopa   Johan_Cruyff   Josep_Guardiola   La_classe_d_Andres_Iniesta

Une culture tactique limitée

Mais c'est logique que les joueurs de talent n'aillent pas ou peu en Angleterre car là-bas, on ne sait pas utiliser leurs qualités, à moins de jouer à Manchester ou à Arsenal, les deux seules équipes à avoir un jeu collectif dignes de ce nom et, oh surprise, les deux meilleures équipes des 10 dernières années. L'exemple de Kanouté est frappant : à Tottenham, il ne marquait quasiment pas car on jouait surtout sur sa tête. Mais le franco-malien est avant tout très doué techniquement et quand on joue dans ses pieds comme à Séville, il plante 20 buts. C'est la même chose pour Ballack et Shevchenko à Chelsea : le ballon passe sans arrêt au-dessus de leurs têtes et n'atterrit jamais dans leur pied.
Ce n'est pas un stéréotype de dire ça mais à l'exception de Manchester United et d'Arsenal, les clubs de la Premiership en sont restés au bon vieux Kick and Rush, même Chelsea ou Liverpool. Dans ces équipes, on balance sur Drogba, Kuyt ou Crouch qui essayent de récupérer la balle ou on attend que Lampard, Riise ou Gerrard tentent leur chance de loin. La seule différence avec les autres équipes réside sur une organisation défensive bien plus élaborée et des joueurs aux qualités individuelles supérieures.
Le jeu collectif est quasi inexistant et repose uniquement sur des exploits individuels. C'est la même chose en défense où on assiste surtout à des un contre un. C'est pourquoi au milieu ou en défense, on a beaucoup de joueurs physiques et rapides mais aux capacités techniques et tactiques dignes du National. Les Anglais sont conscients du problème et essayent de le résoudre en achetant des milieux... espagnols : Arteta à Everton, Cesc Fabregas à Arsenal et Xabi Alonso à Liverpool ont fait des émules car maintenant, Manchester, Chelsea et Arsenal ont chacun leur milieu espagnol en équipe réserve. Mais ce trio a le mal du pays et le mal du beau jeu et a envie de rentrer comme l'a fait Reyes avant eux...

Xabi_Alonso   Tacle_assassin_de_Nwanko_Kanu_sur_Paul_Scholes   Wayne_Rooney___l_anglaise   Titus_Bramble_Fauche_Michael_Ballack

Si vous avez eu la flemme de tout lire et que vous êtes passés directement à la dernière ligne, je vais vous résumer ma pensée. La présence de 3 clubs anglais en demi-finale de la Ligue des Champions ne signifie pas que la Premier League est le meilleur championnat d'Europe car cette situation n'est que le résultat d'un incroyable concours de circonstance.
De plus, le championnat se limite à seulement 4 équipes et son niveau d'ensemble n'est donc pas comparable aux équipes encore en lice dans ce championnat. Certes, il y a de nombreux buts mais ils sont surtout dus à la médiocrité des défenses et des gardiens plus qu'à la qualité intrinsèque des joueurs qui dans leur grande majorité, manquent totalement de créativité. Enfin, les rencontres se résument à une succession de un contre un, niant là le jeu collectif qui est l'essence même du football.

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