Par la petite porte
Samedi soir, le XV de France n'a pas su saisir l'occasion qui se présentait à lui et s'est fait lamentablement éliminé face à l'une des plus mauvaises équipes d'Angleterre de l'histoire de la Coupe du Monde de rugby. Ce résultat est d'autan plus cruel que les Anglais n'ont rien montré pour battre les Français et que cela a suffi. La faute à qui ?
A un manque de réussite ? Un petit peu : si le ballon n'était pas ovale, Traille l'aurait sans doute rattrapé et Lewsey n'aurait pas ouvert le score pour le XV de la Rose. Mais est-ce qu'on peut reprocher à un joueur de faire une erreur d'appréciation parce qu'il évolue à un poste inhabituel pour lui ? Non, par contre, on peut reprocher à l'entraineur d'avoir fait des mauvais choix qui ont précipité la chute de son équipe ? Et si l'on devait juger un entraineur sur son incompétence tactique, alors là, oui, on pourrait dire que Bernard Laporte est un grand entraineur...
Pour moi, le futur ex-secrétaire d'Etat aux Sports est le responsable de cette défaite, même de ce fiasco tant l'opposition n'avait rien à voir avec l'invincible armada d'il y a 4 ans. Pourquoi ? Déjà, reconduire les vainqueurs des Blacks pouvait paraître logique mais était l'erreur à ne pas faire. Facile à dire après-coup mais les héros de Cardiff étaient fatigués mentalement et physiquement et un peu de turnover n'aurait pas fait de mal. Surtout quand on déclare qu'on dispose d'un groupe homogène et que l'on "va gagner la Coupe du Monde à 30".
Pelous et Beauxis n'avaient pas été éblouissants face aux Blacks alors pourquoi les reconduire ? Et je ne parle même pas de David Marty à qui, à moins d'être Catalan ou Bernard Laporte, l'on ne peut rien trouver de positif dans son bilan. Nallet (lui ne serait pas blessé au bout de 25 minutes et la rentrée de Chabal aurait pu être décisive), Michalak et Poitrenaud auraient amené du sang frais et surtout un peu d'envie à une équipe qui avait beaucoup (trop ?) donné la semaine précédente. On ne reviendra pas non plus sur le cas Traille qui aurait bien plus apporté en jouant au centre, surtout quand on sait que Marty était titularisé.
Surtout, reconduire la même équipe supposait reconduire la même tactique que face aux Blacks, une équipe aux qualités bien différentes de celles des Anglais. Là où, les Néo-zélandais étaient excellents relanceurs et mobiles, les joueurs de la Perfide Albion étaient lourds et incapables, sauf Robinson, de créer le moindre danger dans la défense française. Pour battre les Anglais, il ne fallait pas utiliser leurs armes (utilisation abusive des avants et du jeu au pied) mais les nôtres : du jeu à la main pour faire courir les avants du XV de la Rose et ainsi les épuiser. Le pire, c'est que les Français avaient les armes pour le faire.
Pourquoi ne pas avoir envoyé un peu plus les balles sur les ailes (surtout sur l'aile de Sackey) ? Pourquoi avoir mis deux flankers plaqueurs (Betsen et Dusautoir) alors que les Anglais allaient peu ou pas attaquer ? Pourquoi ne pas avoir tenté de marquer des points pour creuser l'écart plutôt que gérer un mince avantage par du jeu au pied ? Sans doute parce que les joueurs n'ont pas osé sortir des consignes car depuis des années, on a annihilé toute volonté de prendre des risques en équipe de France...
Le bilan de Bernard Laporte à la tête de l'équipe de France est mitigé. On retiendra les deux Grands Chelems de 2002 et 2004 et quelques rencontres mémorables : France - Galles en 2000, France - Irlande en 2002 et 2003, France - Angleterre en 2002 et 2004 et surtout, le France - Nouvelle-Zélande de Cardiff. Un peu comme le ciel de Normandie : quelques trop rares éclaircies dans la grisaille ambiante...
Bernard Laporte a annoncé qu'il n'entraînerait plus et c'est une bonne nouvelle pour le rugby français et même le rugby en général. En effet, l'ancien entraîneur du Stade Français a tué le jeu d'attaque français, a donné l'impression de pratiquer un "bricolage" permanent et a nui à l'équipe nationale par ses choix incohérents et douteux. Espérons que le nouveau sélectionneur, qui malheureusement ne sera certainement ni Guy Novès ni Patrice Lagisquet, redonne un peu d'ambition offensive à cette équipe qui a un beau potentiel à développer...